Je n’écoute de la musique que très rarement, toujours seul, avec un peu de méfiance pour ce qui va sortir de l’appareil. Des airs me fascinent, ils m’ensorcellent puisqu’ils provoquent des larmes ou des frissons sans raison.
Je crois que la musique fait mal, et j’ai de plus en plus de mal à supporter son utilisation marchande.
Les histoires de Sirènes me servent à interroger notre rapport au chant, et surtout à la musique.
Les Sirènes étaient des femmes oiseaux de la mythologie grecque. Elles vivaient sur une île. Leur chant liait dans la fascination ceux qui l’écoutaient. Personne ne pouvait l’entendre sans mourir.
Où sont donc passées nos Sirènes ? C’est aujourd’hui un mot qui désigne une sonnerie pour voitures de pompier, d’ambulance ou de police municipale.
Cédric Orain
À l’origine, dans la mythologie grecque, ce sont des femmes oiseaux, elles appartiennent à l’air et la terre.
Elles apparaissent pour la première fois dans l’Odyssée d’Homère.
Circé la magicienne prévient Ulysse : le chant aigu et perçant des Sirènes attire et lie dans la fascination ceux qui l’entendent. L’île des Sirènes est un pré humide entouré des ossements des marins morts, fascinés par leur chant.
Pour entendre ce chant, Ulysse utilise une ruse : chacun de ses hommes se bouche les oreilles avec des petits morceaux de cire. Ulysse seul conserve ses oreilles ouvertes, il se lie trois fois au mat avec des cordes et à chaque fois qu’il demandera à être détaché, ses hommes resserreront les liens. Alors Ulysse pourra entendre ce qu’aucun homme n’a entendu sans mourir.
Appollonios de Rhodes les mentionne dans le chant IV des Argonautiques.
Et c’est Orphée qui cette fois les affronte.
Les Argonautes passent près de l’île, les Sirènes les attire par leur « voix de cristal ». Ils lèvent leurs rames, ils veulent entendre ce chant plus encore. Ils se lèvent, ils détendent les voiles, ils veulent rejoindre le rivage. Orphée le musicien monte sur le pont, s’y assoit, tend avec force les cordes de sa cithare, et les frappe d’un rythme rapide pour brouiller « ce chant virginal ». Il assourdit les oreilles « sous le coup du plectre ». Les Sirènes ne laissent plus entendre que des sons indistincts. Les 50 héros se détournent du chant qui les a sidéré. Ils rabaissent leurs rames, regonflent les voiles, le navire s’éloigne de l’île, quand l’un d’eux, Boutès, abandonne la rame.
Il se dresse sur le pont et se jette dans la mer. Il nage vigoureusement vers la rive car son cœur « brûle d’entendre ».
C’est de ces deux histoires dont je veux parler le temps d’un spectacle.
Pas de femme poisson, pas de petite sirène, pas de prince charmant.
Je veux entendre le sifflement du vol piqué d’une buse sur sa proie.
Adaptation et mise en scène Cédric Orain
Lumière Bertrand Couderc
Son Samuel Mazzotti
Scénographie/vidéo Pierre Nouvel
Avec Olav Benestvedt, Nicolas Laferrerie, Céline Milliat-Baumgartner
Production déléguée : La Traversée
Co-production : Le Vivat (Scène Conventionnée danse et théâtre – Armentières), théâtre de la Coupe d’or (Scène Conventionnée théâtre-Rochefort)
Avec le soutien du théâtre des Amandiers- Nanterre.
Ce spectacle bénéficie de l’aide à la création de la DRAC-île de France et de la SPEDIDAM